Tu croirais que c'est simple, que tu vis avec et c'est tout.
Ben non.
C'est pas simple du tout.
La souffrance qui t'envahit, envahit tout le reste. Tout ce que tu touches, tout ce que tu vis, tout ce que tu ressens contient ta souffrance.
Tu voudrais tant la serrer dans tes bras, encore, puissamment, lui faire sentir par ce geste simple que tu l'aimes. Immensément.
Et elle te manque. Immensément.
Mais rien d'autre que souffrir n'est possible.
Tout n'est que fuite de cette putain de souffrance.
Tu erres dans un no man's land affectif.
Dans une immensité de reproches que tu te fais.
Tu te reproches tout, même qu'elle ne soit plus là.
Et tu luttes sans cesse pour ne pas te reprocher d'être encore là.
Tu fuis cette souffrance, mais elle reste, partout, elle te suit, partout, en toi, en permanence.
Ne pas paniquer, tu te le répètes sans cesse, mais est-ce bien utile ?
En fait, tu ne paniques pas, tu souffres.
Quand ça arrive aux autres, tu te dis "il vivra avec ça".
Mais NON !!!
Tu ne vis pas avec "ça". Tu ne fais que souffrir.
Tu te rappelles de son pull, de la douceur de ce tissu, tu l'as si souvent enlacée, tu te souviens exactement de la forme de son torse, des endroits où tu posais
tes mains, tu voudrais tant recommencer.
Mais NON !!!
Tout se transforme en absence.
Tu croyais que tu n'en souffrirais pas, tu croyais qu'elle était chiante parfois, et qu'il te fallait t'éloigner un jour ou deux.
Mais NON !!! Tu aurais dû l'avoir à tes cotés, tout le temps. Tout lui pardonner.
Ne faire que l'aimer.
Et tu plonges.
Tu penses que tu remonteras, avec la marée, avec le travail, avec l'entourage.
Mais tu souffres, et cette souffrance tu ne sais plus quoi en faire. Tu écris, tu parles, mais rien n'y fait. Elle s'incruste jusque dans tes veines, comme un
venin, comme la haine. Mais ce n'est pas de la haine, juste de la souffrance.
La haine, tu crois connaître, tu la reconnaîtrais, mais non, ce n'en est pas. La haine tu sais faire avec, tu as fais si souvent.
Mais cette souffrance, tu ne connaissais pas, tu ne te doutais pas.
Tu ne voyais pas l'accident arriver, ton cerveau ne voyait pas cette échéance.
Les tentatives de suicide qu'elle s'affligeait, tu les surmontais, tu les affrontais. Tout restait possible, tu restais près d'elle, tu étais là, elle était là
aussi.
Mais là, NON!!!
Elle ne revient pas, elle ne reviendra pas.
Et tu souffres.
Tu tournes en rond, encerclé par cette souffrance, tu te dis que tu vas combattre, que tu vas y arriver, mais en fait, TU N'EN SAIS RIEN. Alors, tu luttes...
Et tu te dis que tu n'y arriveras pas seul. Que si tu ne veux plus souffrir autant, qu'il te faut classer tes idées, les trier pour comprendre.
Tu as essayé, tu as lutté, juste quelques jours. Puis, à force de faire n'importe quoi juste pour faire quelque chose, tu lâches prise. Tu crains de lâcher
prise.
Tu luttes seul, ou entouré, tu luttes.
Tu ne sais pas si tu ne dois te remémorer que le pire, pour cesser de l'aimer. Si tu ne dois penser à elle qu'aux meilleurs moment pour l'honorer de ce
souvenir.
Tu ne sais plus si tu dois encore l'aimer ou pas, mais tu n'as pas le choix, tu l'as aimé, tu l'aimes et tu l'aimeras. Alors, tu souffriras.
Tu t'accroches aux fondamentaux, manger, se laver, respirer, travailler. De toutes façons tu ne faisais déjà que trop tout ça. Tu oubliais de vivre avec elle, alors
elle te le rappelait, elle te demandait de vivre, pour l'entraîner avec toi, pour qu'elle puisse vivre à travers toi, comme si elle savait qu'elle allait mourir.
Comme si elle n'avait que toi.
Elle n'avait que toi. Elle n'avait d'yeux que pour toi. Tu ne voyais RIEN. Etais-tu aveuglé par l 'amour, par ta connerie?
Pourtant tu l'aimais, tu restais là, toujours, "pas trop loin".
Elle te disait des "je t'aime" trois ou dix fois par jours, tu prenais mais n'en savais que faire. Il suffisait de prendre, d'aimer et de rendre. Mais tu ne sais
plus si tu as rendu ou pas.
Tu ne sais plus que souffrir.
Tu ne peux plus que souffrir.
Et tu penses à elle. Encore, toujours.
Penser à elle, est-ce souffrir? Est-ce l'honorer? Est-ce l'aimer?
Tu n'en dis plus de mal, tu n'en dis plus de bien, tu ne lui dis plus rien. Parfois tu parles dans le vide, tu "lui" dis, tu voudrais lui dire que tu l'aimes encore
et tu penses "pour toujours", tu voudrais te faire pardonner, mais pardonner quoi? Un accident?
Tu te reproches tout, même ça. Pourtant, ce n'est pas toi le coupable, mais tu t'affliges quand même ces reproches, et ça ne résout RIEN.
Et ça tourne en boucle. Une boucle qui rassure ? Qui protège ? Tu te sens fragile.
Tu penses à sa fragilité face à ce train énorme, lourd, massif, tu le hais, mais ça ne résout rien.
Elle n'est plus là, elle ne revient pas comme elle l'aurait fait, en marchant sur le gravier.
En étant déjà là avant que tu arrives, tu aimais tant appuyer sur la poignée de porte et que la porte ne soit pas fermée, qu'elle soit déjà là. Si elle était là,
c'était pour toi. Pour être avec toi. Tu espérais qu'elle soit là. Elle venait t'embrasser, elle n'attendait que ça. Pas l'argent, pas le repas, juste t'embrasser, juste te faire sentir de toutes
ses forces qu'elle t'aimait. Elle te donnait tout dans ces moments là. Tu prenais mais tu n'étais pas toujours dispo, et aujourd'hui tu te reproches TOUT.
Tu prendrais tellement tout, mais elle en ferait encore pour que tu puisses prendre encore plus. Pour qu'elle te donne encore et encore.
Aujourd'hui, tu pleures, tu souffres, mais elle n'est plus là. Elle ne vit plus.
Il ne te reste qu'à souffrir.
à vivre, à survivre.
Tu veux aller au cimetière, tu ne sais pas à quoi ça sert, tu y penses à elle, mais pas plus fort que chez toi, que partout.
Tu voudrais que l'enfer que tu vis, serve à d'autres, qu'ils aiment plus fort qu'ils croiraient pouvoir le faire, tu voudrais leur dire... Alors tu écris, mais
personne ne lit, ils sont bien gentils mais ne voient pas qu'ils doivent aimer. Tu voudrais que tout le monde l'aime, tu voudrais qu'en l'aimant tous en même temps, tous au maximum, qu'elle
revienne.
Mais NON !!!
Rien en se passe. Elle ne revient pas, ne revient plus. Comme elle revenait d'aller acheter du pain, comme elle revenait de chez elle.
Elle partait de chez moi, elle allait chez son kiné. Elle est descendue du train, elle est passée sur ce passage à niveau.
Elle ne prit jamais le bus qu'elle devait prendre à quelques mêtres. Jamais elle n'arriva, jamais elle ne reveint.
Et tu restes SEUL !!!
Et tu l'aimes, mais c'est trop tard. Elle ne le sait pas. Pourtant parfois elle te disais que tu l'aimais plus que tu ne croyais. Elle savait donc, plus que
toi.
Nous nous aimions, je veux y croire, le savoir, y penser. Si tu souffres c'est que tu l'aimais, que tu l'aimes. Elle le savait. C'est bien mais elle ne revient
pas.
Comme pour une première fois, tu te trouves confronté à la mort. Tu as l'impression qu'elle a gagné le combat. Tu as l'impression d'avoir perdu face à la mort. Tu
as l'impression que c'est ton propre combat que tu as perdu.
Tu voudrais que les fantômes existent, pour lui parler, la regarder, être admiratif, lui dire "je t'aime", lui dire "au revoir".
Mais NON !!! Ils n'éxistent pas. Et tu restes seul.